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Comprendre l'odorat

Dernière mise à jour : 12 oct. 2024

Il faut bien différencier l’odorat du goût. Pour bien saisir cette différence, mangez quelque chose en vous bouchant le nez et, dans la mesure du possible, bloquez votre passage rétronasal – le passage au fond de votre bouche qui donne accès à la cavité nasale – en évitant de respirer par exemple. C’est ce qu’il se passe naturellement lorsque vous avez le nez bouché. Si en plus vous fermez les yeux… vous n’êtes alors plus en mesure de différencier une pomme d’un oignon, ou encore une pastèque d’un concombre ! Et l’on comprend alors aisément le rôle capital de l’odorat dans notre appréciation des saveurs. 

Conseil pratique

La prochaine fois que vous mangez un plat, appréciez la différence entre les rôles du gout et de l’odorat. Bouchez votre nez, bloquez votre passage rétronasal, et constatez la modification de l’expérience culinaire.


Car les saveurs ne sont pas générées uniquement par le goût, mais aussi par l’odorat. L’odorat est d’ailleurs le sens principalement responsable de l’appréciation des saveurs ! Dans votre nez se trouvent environ 400 types de récepteurs olfactifs qui captent les arômes et les odeurs. Les arômes, comme le chocolat, sont des composés chimiques volatiles. Ces composés atteignent les récepteurs olfactifs situés dans la cavité nasale, soit en passant par nos narines lorsque nous reniflons (voie orthonasale), on parle alors d’odeurs ; soit en passant par la voie rétronasale au fond de notre bouche, à chaque fois que nous déglutissons par exemple et l’on parle alors d’arômes. 


Les arômes de l'ail

Parmi les arômes forts présents dans notre quotidien culinaire, on trouve par exemple ceux de l’ail. Lorsqu'il est cru, l'ail a une odeur forte, piquante et légèrement soufrée.  Ces arômes évoluent quand on le cuit. Au début de la cuisson, l'ail dégage des arômes plus doux et plus sucrés, avec des notes de caramel et de noisette. À mesure que la cuisson se poursuit, les arômes deviennent plus intenses et plus riches, avec des notes de fumée, de terre et de musc. 


Les arômes de la mer

Un autre arôme marquant est celui du poisson. Le poisson dégage un bouquet d’odeurs marines et iodées, avec des notes fraîches et légèrement salées. L'ensemble de ces notes se combine pour créer un parfum complexe et nuancé qui évoque la mer et la fraîcheur de l'océan. 



En matière de saveurs, la voie rétronasale est celle qui a l’impact le plus important sur nos sensations. Certaines études affirment même que 80 à 85% des saveurs ressenties le sont par la voie rétronasale. Pourquoi ? Parce que la mastication de la nourriture combinée à son réchauffement grâce à notre température corporelle, amplifie la libération des arômes. C’est le cas du chocolat : lorsque vous mettez un carré de chocolat en bouche, l’expérience initiale est assez pauvre. Mais avec la mastication, tandis que le chocolat se réchauffe et fond dans la bouche, l’expérience se transforme avec la libération des arômes.


Les mécanismes de réception des arômes


Les arômes de la garrigue

La chaleur amplifie donc la libération des arômes et cela a des conséquences intéressantes pour nous autres, cuisiniers. Les plats chauds sont effectivement plus riches en arômes et en saveur, et vice versa pour les plats froids. Dans un domaine autre que celui du culinaire, l’impact de la chaleur sur les arômes est particulièrement frappant lors de balades en été dans la garrigue sous le soleil : vous avez certainement vous aussi des souvenirs de ces arômes complexes qui inondent les sens, un bouquet de notes aromatiques et résineuses, qui évoquent le thym, le romarin, le ciste et le genévrier. Ces notes sont chaudes et épicées, avec une certaine intensité qui rappelle le soleil brûlant. En arrière-plan, on perçoit des notes terreuses et minérales, qui évoquent la roche sèche et les sols calcaires. Enfin, perçoit également des notes boisées et balsamiques, qui évoquent les pins et les cyprès qui peuplent la garrigue. Tous ces arômes nous submergent et nous enivrent.

Conseil pratique

Lorsque les composés volatiles sont chauffés dans une casserole, par exemple, ils s’envolent facilement. Autrement dit, votre cuisine sera certes parfumée d’odeurs délicieuses, mais ce sera au détriment du plat que vous faites mijoter. Pensez donc, dans la mesure du possible, à couvrir votre casserole avec un couvercle pour garder les arômes. Vous pouvez aussi ajouter de la matière grasse comme de l’huile, du beurre ou de la crème qui captera les composés volatiles et les empêchera de s’envoler.


L'impact de la température sur les arômes

Ce rôle de la chaleur sur les arômes peut néanmoins jouer un rôle néfaste sur l’expérience sensorielle. Prenons l’exemple de la glace à la vanille. Lorsque vous la mangez froide, vous ressentez des saveurs de vanille et de sucre. Faites maintenant le même exercice avec une glace qui a fondu au soleil : ses saveurs sont beaucoup plus fortes et parfois même écœurantes. C’est ce qui oblige d’ailleurs les producteurs de glace à mettre une dose particulièrement concentrée d’arômes pour contrer l’effet du froid. Dans le cas de la glace, le froid permet ainsi d’atténuer l’expression de certains arômes et de créer un meilleur équilibre sensoriel.


Si la chaleur permet de libérer les arômes, pourquoi servons-nous le vin blanc frais ? Lorsque le vin blanc est servi froid, cela aide à réduire l'intensité de tout arôme d'alcool qui peut être présent dans le vin. En effet, les températures plus fraîches provoquent une évaporation plus lente de l'alcool, ce qui aide à adoucir tout arôme fort et à rendre le vin plus agréable à boire. De plus, le fait de servir le vin blanc à une température plus fraîche aide à préserver l'acidité du vin, qui est un élément important de son profil de saveur. Cela est dû au fait que les températures plus fraîches peuvent ralentir le taux de réactions chimiques qui provoquent la décomposition de l'acidité au fil du temps. Par conséquent, le vin conserve son goût vif et rafraîchissant, et sa saveur est plus vibrante. La dernière raison enfin est une réaction mécanique qui se passe dans notre palais : le cerveau associe « fraicheur » à « plaisir ».



Un bon exemple de l’impact sensoriel des arômes est la réaction de Maillard que nous avons déjà évoquée. Mais si ! Souvenez-vous ! Cette réaction déclenchée par l’odeur de la viande cuite au barbecue ou d’une tartine grillée et qui éveille des souvenirs vieux de plusieurs centaines de milliers d’années. Lorsque nos ancêtres faisaient cuire leurs premiers steaks.



Les arômes se démarquent par leur remarquable diversité. L’homme est capable d’identifier des dizaines de milliers d’arômes ! C’est que les composés volatiles à l’origine des odeurs peuvent se mélanger et constituer de nouvelles odeurs, ce qui rend les possibilités quasiment infinies. Le chocolat, par exemple, est le résultat d’un mélange de plusieurs centaines de composés volatiles distincts. Les aromates, les épices et les herbes aromatiques font partie des produits dont la richesse aromatique est particulièrement exceptionnelle. Le clou de girofle, notamment, détient le record de richesse et de concentration aromatique.


Exemple d’une table des arômes utilisée par les amateurs de vin

Table des arômes


A noter que la palette des arômes que nous apprécions est un résultat d’inné et d’acquis. Nous naissons avec une certaine combinaison de récepteurs olfactifs dans le nez, mais ce sont à la fois notre environnement et nos expériences qui ont un impact sur cette combinaison. C’est une chose de sentir un arôme mais c’en est une autre de définir si nous l’aimons ou pas. Nous ne possédons en effet aucun codage génétique qui nous permette de dire qu’une molécule a une bonne ou mauvaise odeur. C’est la connotation « hédonique » ou affective d’un arôme qui guide nos choix alimentaires, et de ce point de vue la mémoire joue un rôle crucial. En effet, le plaisir que nous tirons des aliments est le résultat d’un apprentissage, c’est-à-dire d’expériences antérieures, fruits de notre éducation commencée dès la plus tendre enfance et, sans doute, déjà dans le ventre de notre mère. Chacun de nous réagit différemment aux arômes. Le cerveau fonctionnant par association d’idées, il associe chaque odeur à une expérience et la catégorise ainsi. C’est ce qui se passe à la fin du dessin animé Ratatouille : le rat, Rémy, sert au plus grand critique culinaire de Paris de la ratatouille. Celui-ci vit alors une expérience forte car le plat le ramène aux émotions de son enfance lorsque sa mère lui servait ce même plat.

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