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Comprendre l'impact du visuel

Un plat se dévore d’abord avec les yeux. Un plat, avant même d’être goûté, donne des informations visuelles qui ont un impact sur notre perception de ses saveurs. Ces informations nous permettent d’établir une première évaluation :

  • L’aspect général (appétissant, grumeleux,…);

  • La forme du produit (présentation originale, désordonnée, soignée…) ;

  • La couleur (claire, foncée, mate, brillante…) ;

  • L’harmonie (cohérence de l’ensemble, couleur, forme, présentation…) ;

  • L’état du produit (sa fraîcheur, son degré de cuisson, sec ou humide…) ;

  • La température (chaud, si un nuage de vapeur s’en dégage).

A partir de ces premières informations, nous savons dès le premier regard si nous allons apprécier ou pas la préparation.


Nous sommes programmés pour réagir plus ou moins de la même façon face à certaines informations. Plusieurs expériences ont été menées pour démontrer la corrélation entre la vue et notre perception des aliments. Dans l’une d’elles, on invite des dégustateurs à goûter deux verres de vin : un verre de vin blanc et un verre du même vin blanc mais coloré en rouge (colorant neutre de goût) à l’insu du groupe. Résultat : les dégustateurs font des commentaires avec des qualificatifs de vin blanc pour le premier verre et des qualificatifs de vin rouge pour le deuxième verre. D’autres travaux ont montré que l’intensité du goût perçu augmente en même temps que l’intensité de la couleur : plus une fraise est écarlate, plus elle vous semblera aromatique.


L’industrie alimentaire joue d’ailleurs sur cette corrélation en travaillant le packaging de ses produits. Au-delà de l’aspect strictement visuel, les marques ont aussi un impact sur nos sens. Si on vous sert un verre de vin rouge en vous indiquant qu’il s’agit d’un Château Petrus de 1990, vous serez prédisposé à l’apprécier, même s’il s’agit en réalité d’un autre vin moins savoureux.


Mais toutes nos réactions ne sont pas conditionnées par la vue. Et les codes de ce qui est considéré comme visuellement attrayant évoluent avec les époques, les cultures et les modes. Au début du XXème siècle, les restaurants servaient la nourriture dans des plats et les clients se servaient à tour de rôle ; aujourd’hui nous préférons un service à l’assiette. La cuisine méditerranéenne préfère des assiettes sobres qui mettent en avant le produit, la cuisine d’Asie du Sud-Est joue elle sur des plats plus complexes combinant des ingrédients qui disparaissent individuellement au profit de leur mélange. La cuisine européenne propose des portions « raisonnables », tandis que la cuisine d’Amérique du Nord préfère des quantités débordantes. 


Malgré ces différences, il y a tout de même des principes fondamentaux qui permettent de structurer la présentation des plats, tout au moins dans la cuisine occidentale :


  1. Mise en relief. La présentation doit viser à mettre en avant le produit le plus noble du plat.


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  1. Espace. Il s’agit de garder une forme d’équilibre dans l’assiette en répartissant les différents éléments dans l’espace. Travailler l’espace veut dire réfléchir au placement des éléments de la composition mais également au vide et à la façon de l’utiliser. Il ne s’agit pas de remplir l’assiette d’éléments, mais de trouver un bon équilibre entre ces éléments et le vide.


De manière plus empirique, voici des exemples de présentations d’assiette :


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  1. Volume. Construire des structures qui permettent de gagner en hauteur.


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  1. Contrastes. Jouer sur les contrastes avec les formes ou les couleurs pour faire ressortir certains éléments.


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  1. Couleurs. Choisir des couleurs dans les mêmes tons, ou construire un point focal grâce à une tâche de couleur vive.


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  1. Simplicité. Rester simple et éviter de trop charger l’assiette.


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  1. Chiffres impairs. Une règle officieuse stipule qu’il est mieux de choisir des nombres impairs que des nombres pairs pour remplir votre assiette. Par exemple, si vous devez disposer des crevettes, mettez-en cinq au lieu de six. Les chiffres impairs sont effectivement visuellement plus agréables que les chiffres pairs.


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  1. La fraîcheur. La présentation doit suggérer la fraîcheur des ingrédients. 

Des ingrédients périmés sont potentiellement toxiques et mettent notre corps en état d’alerte. Pour éviter cette réaction défensive, vous pouvez disposer quelques herbes fraîches (persil, basilique, coriandre…) sur le plat en fin de cuisson. Certes, cela ne signifie pas que tout le plat est frais, mais notre cerveau fait ce genre de raccourci.


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Le vert est la couleur qui évoque la fraîcheur. Il faut donc éviter à tout prix que les légumes verts, une fois cuits, ne virent au marron (haricots verts, brocolis…). 

Conseil pratique

Donnez des indices sur les ingrédients utilisés qui aideront à décrypter la composition du plat. Par exemple, en plaçant une framboise sur une mousse rose, en plus d’ajouter une touche de fraîcheur vous indiquez qu’il s’agit d’une mousse à la framboise. Même si un peu de surprise est agréable, notre cerveau aime comprendre les ingrédients dans un plat avant de passer à la dégustation (sans doute un réflexe primitif pour éviter un empoisonnement).


  1. Le brillant. Jouez sur le brillant en utilisant par exemple des produits gras comme l’huile d’olive, le beurre ou la crème. En faisant bien sûr attention à ne pas y noyer les aliments ! Une astuce consiste à mélanger les textures « molles » (purée, pâtes…) juste avant de servir, cela leur redonne une touche de brillance.



  1. Des proportions raisonnables. Nous avons tous trop mangé au moins une fois dans notre vie et les sensations désagréables qui y sont associées sont imprimées dans notre cerveau. Pour éviter de raviver ces souvenirs, les proportions dans une assiette doivent être raisonnables. La notion de « raisonnable » est bien entendu subjective et varie selon les cultures.



  1. Le poivre. C’est le fameux tour de moulin à poivre qu’on retrouve à la fin de nombreuses recettes. Le poivre fait partie de ces ingrédients qui donnent du goût visuellement. Quitte à ajouter du poivre, choisissez-en un qui est riche en saveurs. Je vous recommande le poivre noir de Tellicherry, originaire d’Inde. Il dégage des arômes végétaux d’agrumes de citron et de pamplemousse, légèrement acidulés. Pour être sûr d’optimiser ses saveurs, choisissez-le en grains complets et moulinez-le au dernier moment.


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  1. Le contenant. Si ce que l’on déguste est fondamental, il ne faut pas négliger l’assiette qui le contient. Plus que tous les autres éléments cités précédemment, l’assiette est l’élément qui est le plus sujet aux phénomènes de mode. Chaque époque a eu son style de vaisselle. Au moment où j’écris ces lignes, les assiettes blanches disparaissent au profit des assiettes sombres.


Dans l’univers de la restauration, la compétition est rude. Pour attirer les clients et faire parler d’eux dans la presse, le meilleur atout des restaurants est de montrer leurs plats. Le visuel est en ce sens devenu un élément fort de démarcation. Cela explique en partie l’essor de la photographie culinaire et toutes ces belles photos que l’on retrouve dans les magazines et les écrans.

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